Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, à Clermont-Ferrand : « L’approche sacrificielle du travail, c’est fini »

Avec ses deux coauteurs, Mathieu Charrier et Nicoby, Muriel Pénicaud signe Travailler demain (Glénat), BD dans laquelle interviennent treize personnalités (Christine Lagarde, Philippe Martinez, Thierry Marx…).

Le bouleversement actuel est-il d’une ampleur historique ?

« Il y a eu le passage de l’agriculture à l’industrie. De l’industrie au service. Il y a eu les révolutions de l’imprimerie, de l’électricité, du chemin de fer… Ce qui est inédit, ce sont quatre bouleversements – IA, écologie, démographie et quête de sens – qui sont simultanés et mondiaux. Dans les dix prochaines années, un milliard d’emplois vont être transformés. L’IA et l’écologie vont avoir un impact immense, dans un contexte démographique où le nord vieillit avec plus de besoins et moins de main-d’œuvre, pendant que la moitié de la population africaine à moins de 19 ans. »

Et la quête de sens, puisque le monde du travail change, mais les travailleurs aussi. 

« La première question est « quelle est la finalité de l’entreprise ? ». On voit que l’industrie pétrolière a du mal à recruter. Après, on peut aimer sa boîte, mais avoir un bullshit job. Et puis, il y a l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. L’approche sacrificielle du travail, c’est fini. » 

Le fameux « les jeunes ne veulent plus travailler » ?

« Ils s’engagent quand ça a du sens. Et en mode projet. Peut-être à plus court terme. Nous n’avons jamais eu autant de CDI en France. Au moment où nous atteignons ce Graal, les jeunes n’ont plus forcément envie de ça. Cela va certainement demander de faire évoluer les formes juridiques des contrats. »

On entend beaucoup une lecture productiviste de l’humain en ce moment. « Pas de travail, pas d’aide ». 

« On la réentend, oui. D’abord parce que ça sert l’idéologie de certains. 37 % des médecins hospitaliers sont immigrés aujourd’hui en France. Sans eux, l’hôpital s’effondre. « 

Selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, NDLR), il faut 5 à 6 générations aujourd’hui en France pour passer de l’extrême pauvreté à un salaire médian. Chez nous, l’égalité c’est la redistribution, mais pour l’égalité des chances, nous ne sommes pas bons.

, Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, à Clermont-Ferrand : « L’approche sacrificielle du travail, c’est fini »

La BD montre que l’évolution du monde du travail est corrélée avec l’égalité, hommes/femmes en particulier. 

« La France a l’arsenal législatif le plus avancé en la matière. Mais nous sommes encore loin du résultat. Les études montrent que les entreprises plus paritaires sont aussi plus performantes, plus résilientes, et plus adaptatives. En atteignant la parité au niveau mondial, nous gagnons 16 % de PIB. Qu’est-ce qu’on attend ? « 

La progression hiérarchique valorise tout de même des valeurs patriarcales. 

« Il faut un mixe coopération/compétition. Quand j’étais DRH monde chez Danone, j’étais la seule femme du Comex (comité exécutif, NDLR). Franck Riboud (PDG) me dit un jour « Pourquoi tu te mets en situation de faiblesse ? En coopération ? » Le Comex suivant, je me suis mis en mode patriarcat et j’ai piqué une colère froide, calculée. Grand froid, brisé par Franck Riboud « Il n’y a que Muriel qui ait des co**** ici. » Le lendemain, tout le monde voulait collaborer avec moi. Mais avec le temps, ça se délite. Alors, dans mon agenda, j’avais noté, une fois par trimestre « FCC », « faire colère comex » (rires). On n’est pas obligé de singer les codes auxquels on ne croit pas, mais il faut comprendre les mécanismes. Moi, j’aime l’humour. « 

65 % des emplois de nos enfants n’existent pas encore. Que fait-on de cette donnée ?

« Il faut apprendre aux jeunes à se connaître. En 1987, une compétence professionnelle durait 30 ans. Aujourd’hui, elle dure 2 ans. Il faut faire connaître plus de métiers, faire entrer les professionnels dans les écoles. »

De plus en plus de flexibilité, alors qu’il y a des demandes d’orientation de plus en plus tôt à l’école. 

« La Finlande a le meilleur système éducatif au monde et fait exactement l’inverse de la France, qui est 25e. En Finlande, jusqu’à 7 ans, on développe l’intelligence analytique, mais aussi sensorielle, créative, émotionnelle. Ce que les sciences cognitives ont démontré depuis longtemps. Jusqu’à 15 ans, il n’y a pas de notes et ils gardent la même équipe pédagogique. « 

Chez nous, les notes sont un but et pas un moyen. Nous ne faisons que de l’intelligence analytique, pas d’intelligence pratique ou émotionnelle. Alors que justement l’IA a seulement de l’intelligence analytique.

L’IA, justement, fait peur. Que peut-on en dire concrètement ?

« Chaque entreprise doit former ses salariés, d’abord pour dire ce que c’est et ce que n’est pas. L’emploi manuel ou du soin ne seront pas touchés. L’industrie va gagner en efficacité, mais est déjà très automatisée. Ceux qui seront très touchés, ce sont les cols blancs, d’habitude épargnés par les évolutions du monde du travail. C’est aussi une chance. Les jeunes avocats qui mangent de la jurisprudence… Les radiologues estiment que les IA feront bien mieux qu’eux pour la détection. Ce qui libère du temps avec les patients ou pour des interventions, comme les biopsies. Ce qui n’est pas encore joué, c’est « qui est le maître et qui est le serviteur ? ». Et ce n’est pas un débat qui peut être réservé aux experts. »

La fonction de diazo.fr étant de collecter sur le web des articles sur le sujet de Imprimerie Clermont-Ferrand puis les diffuser en répondant au mieux aux interrogations des personnes. L’équipe diazo.fr vous soumet cet article qui parle du sujet « Imprimerie Clermont-Ferrand ». Cette chronique a été reproduite du mieux possible. Vous avez la possibilité d’écrire en utilisant les coordonnées fournies sur le site pour apporter des explications sur cet article qui traite du thème « Imprimerie Clermont-Ferrand ». En consultant régulièrement nos contenus de blog vous serez informé des futures parutions.