27 août 1944 : violences, tensions et soulagement, récit de l’été le plus long jusqu’à la Libération de Clermont-Ferrand

Place stratégique pour les Allemands, Clermont-Ferrand et ses alentours attendront l’année 1944 pour entrer réellement dans la guerre. L’été sera marqué par les représailles, les fusillades et une violence rare. Jusqu’au retour de la liberté le 27 août 1944. C’était il y a 80 ans.

Resté en zone libre jusqu’au 11 novembre 1942 – date de l’occupation totale de la France –, le Puy-de-Dôme s’était évité une présence militaire allemande. À la fin de cette année 1942, le drapeau nazi flotte sur le Grand hôtel de la place de Jaude et la Gestapo pose ses bases au 2, bis avenue de Royat, à Chamalières, où seront questionnés et torturés les résistants capturés.

Le pire est à venir

La guerre n’a pas réellement commencé dans le département, le pire est à venir. La Résistance se renforce avec l’apparition des maquis rejoints par les réfractaires au service du travail obligatoire (STO). Depuis 1939, l’université de Strasbourg est repliée à Clermont-Ferrand. Les Allemands sont convaincus qu’elle abrite, au cœur de l’Auvergne, un nid de « terroristes ».

« Par son existence même, l’université de Strasbourg symbolise la résistance, analyse Aline Fryszman, agrégée d’histoire, enseignante en classe préparatoire au lycée Blaise-Pascal à Clermont. C’est une cible, un symbole, qu’il faut frapper fort. Les Allemands veulent l’éradiquer. » Les arrestations vont se multiplier jusqu’au 25 novembre 1943. Ce jour-là 1.200 étudiants et personnels sont arrêtés et 130 seront déportés.

Une tension extrême

Cette rafle, la plus importante dans le milieu universitaire, restera un tournant dans l’histoire de la répression de la Résistance à Clermont-Ferrand et au-delà. Gestapo, armée d’occupation et collaborationnistes français agissent de concert pour rétablir l’ordre au centre d’un pays éclaté.

L’hiver arrive et les mois suivants vont changer la face de la guerre en Auvergne. La richesse des documents conservés aux archives du Puy-de-Dôme grâce aux fonds de la préfecture, du préfet de police, de la police nationale ou encore de l’intendance de police offre une lecture précise de la montée en tension qui précède la Libération.

La plus grande rafle dans une université s’est produite à Clermont-Ferrand en 1943, mais elle reste trop méconnue

Dans un rapport du commissaire divisionnaire, chef régional des services de sécurité publique, daté du 30 mai 1944 et adressé au directeur de la sécurité publique à Vichy, sont répertoriés les faits notables du printemps intervenus dans la région. Des incidents sont attribués aux résistants locaux. Il s’agit pour l’essentiel de prises de matériel, tels que des vivres, du bétail, du carburant, des cachets de mairie ou encore des explosifs.

Les hauteurs du Puy-de-Dôme tenues par les maquisards

« On sent que les autorités ont peur, dépeint Laura Ritter, responsable communication et valorisation aux archives du Puy-de-Dôme. Les services de police dépeignent un territoire acquis à la cause de la Résistance. Ils se sentent acculés. C’est symptomatique des tensions de cette période. » Un climat de profonde discorde traverse l’épicentre de l’Auvergne, à quelques kilomètres de Vichy, où est installé le régime collaborationniste depuis le 10 juillet 1940. Les deux bords se répondent par la violence et les représailles.

Le 13 juillet 1944 à Orcines : 24 poteaux sabotés, 24 personnes exécutées

Peu à peu, les maquisards sortent de l’ombre, la Résistance s’intensifie, se structure. Devant cette menace, les troupes d’occupation redoublent de vigilance. Un rapport de surveillance de police du 6 avril 1944 affirme que les hauteurs du Puy-de-Dôme sont tenues par les maquisards et que « tous les paysans sont plus ou moins en accord avec les réfractaires et les terroristes. » Pour les démanteler, les nazis misent sur la répression. Le 3 avril, les soldats allemands encerclent le vi

llage de Besse dans le Sancy. 22 personnes sont raflées et un homme assassiné.

Représailles, torture, déportations : un été meurtrier

Les documents du fonds d’archives de l’intendance de police confirment une volonté de l’État policier de Vichy et des Allemands d’accentuer la surveillance devant l’imminence d’un débarquement des Alliés. Les rapports de surveillance placent les maquis au centre des préoccupations des forces allemandes et d’occupation.

En mai 1944, ordre est donné de rejoindre le Mont-Mouchet, aux confins du Cantal, de la Haute-Loire et de la Lozère. Les Clermontois seront nombreux à garnir les rangs de ce haut lieu de la Résistance, finalement attaqué par l’armée allemande le 10 juin 1944.

Les arrestations, les déportations, la torture et les exécutions du printemps ne seront pas interrompues par l’été. Les mois qui viennent vont être les plus violents depuis le début de la guerre.

« C’est une période d’une extrême tension. Les combats les plus durs et la guerre intense en Auvergne ont lieu en juin, juillet et août 1944, jusqu’à la Libération de Clermont-Ferrand. »

Françoise Fernandez (ancienne professeure d’histoire, spécialiste de la Résistance en Auvergne)

Le 21 juin 1944, une trentaine d’habitants de Gerzat sont arrêtés. Le 30 juin 1944, à la suite d’un échange de tirs entre des soldats allemands et des résistants, le village de Saint-Floret, aux portes du Sancy, est bombardé par l’aviation allemande. Dix personnes sont tuées, des otages arrêtés.

Terreur à Bourg-Lastic, rafles à Gerzat et Clermont

Les Allemands laissent derrière eux un champ de ruines. Quatre otages seront fusillés à Orcines (*) le 13 juillet 1944, dont le maire. Les trois autres seront déportés. Deux jours après, 22 jeunes de Bourg-Lastic et le maire de la commune sont fusillés par la Wehrmacht et la Gestapo. Des exécutions en guise de représailles après une action de résistance qui avait été menée quelques jours plus tôt dans les gorges du Chavanon, entre Corrèze et Puy-de-Dôme. Ce crime de guerre demeurera un profond traumatisme dans le village.

(*) Au total, 24 résistants et civils ont été fusillés le 13 juillet 1944, à Orcines. Des balles tirées par les Français de la Gestapo, en représailles à un acte de sabotage.

Le 22 juillet 1944, un peu plus d’un mois avant la Libération de Clermont, les nazis raflent 123 habitants de la Plaine, quartier clermontois d’ouvriers Michelin où résident des résistants considérés comme « dangereux » par les Allemands. La défaite approche et ces derniers veulent frapper un grand coup. Ils vont fouiller chaque maison et embarquer 123 personnes. 18 seront déportées, d’autres emprisonnées jusqu’à la Libération.

Ambiance crépusculaire à Vichy, le régime est aux abois

Ce climat mortifère dans le Puy-de-Dôme depuis le début de l’été traduit en creux un rapport de force qui échappe peu à peu à l’occupant. Le 13 août, 91 otages de la prison de Riom, promis à la déportation ou à une mise à mort, sont libérés lors d’une audacieuse opération menée par des résistants, sans qu’une goutte de sang ne soit versée. Un camouflet pour les nazis.

Le 22 juillet 1944, 127 personnes sont raflées à Clermont-Ferrand : parmi elles, une future légende du cyclisme

Le régime collaborationniste est aux abois. Le chef du gouvernement Pierre Laval a quitté l’Auvergne, mais le symbole de la collaboration est resté à Vichy, encore officiellement capitale de l’État français. L’ambiance est crépusculaire à l’Hôtel du Parc, occupé depuis quatre ans par le maréchal Pétain. Sur ordre de Hitler, il est arrêté le 20 août et transféré à Belfort, puis en Allemagne.

Le même jour, l’un des derniers convois pour les camps de concentration quitte Clermont-Ferrand. Autour de 240 résistants auvergnats, tenus prisonniers au 92e RI, sont entassés dans l’un des derniers convois répertoriés en France et déportés à Dachau.

Thiers se libère par les armes, Vichy se réveille libre

La fuite des nazis hors du Puy-de-Dôme n’est qu’une question de jours. Le 25 août, après une demi-journée de combats, les résistants, en infériorité numérique, viennent à bout des 400 Allemands du 18e bataillon de Grenadiers de la Panzer Division Wessel, pour libérer Thiers, occupée depuis juin 1940. Ce sera la seule ville du département libérée par les armes, mais sans armée. Le lendemain, samedi 26 août 1944, Vichy se réveille libre. Sans avoir eu à mener bataille, la population s’est délestée du poids de la présence allemande, les derniers soldats sont partis dans la nuit., 27 août 1944 : violences, tensions et soulagement, récit de l’été le plus long jusqu’à la Libération de Clermont-FerrandArrivée des résistants à Thiers, 25 août 1944.

Après trois mois sanglants depuis le Débarquement du 6 juin 1944, un été de cauchemar, une longue liste d’épisodes de torture, d’assassinats, de représailles, le jour se lève sur Clermont-Ferrand le dimanche 27 août. La ville va enfin respirer. La Résistance ayant décidé de ne pas s’en prendre aux troupes nazies dans la ville pour éviter un bain de sang, la population retrouve sa liberté dans le calme, au gré des centaines de blindés allemands qui s’éloignent en direction de Riom. Entre l’aube et la mi-journée, l’ennemi cède la place aux maquisards, dans le calme. Avant de filer, il n’a pas manqué de s’attaquer à la poudrière de Crouël, l’aérodrome d’Aulnat, puis la place des Bughes.

Le soulagement du 27 août 1944

L’éclaircie prend la forme d’un orage. Sous la pluie, la population déboule dans les rues, chante et acclame les résistants qui s’engouffrent dans la ville depuis Beaumont, en passant par l’avenue de Royat, et paradent jusqu’à la préfecture.
Les derniers visages du régime collaborationniste sont arrêtés et, dès le lendemain, le nouveau commissaire de la République et le nouveau préfet, tous deux nommés par le général de Gaulle, prendront la parole devant une foule encore plus fournie. La guerre n’a pas dit son dernier mot, mais l’après se prépare, incarné par l’une des figures de la Résistance locale, le Commandant Monique. De son vrai nom Gabriel Montpied, maire de Clermont-Ferrand entre 1944 et 1973.

Malik Kebour

Sources. Documentation des archives départementales du Puy-de-Dôme et du musée de la Résistance, à Chamalières. Les crimes de Bourg-Lastic. La brigade Jesser entre Auvergne et Limousin, 1944 de Laurent Battut (éd. La Marque) ; archives La Montagne.

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